Entretien avec… William Réjault

Évite les réseaux et ouvre un livre. Si une info est vraiment pertinente ou vitale, elle va finir par t’atteindre. Le reste n’est que de l’écume.

William Réjault a eu plusieurs vies, inutile de lui coller une étiquette. S’il fût autrefois fois infirmier, il est aujourd’hui écrivain, blogueur et consultant. Et les réseaux sociaux n’y sont pas étrangers. Il nous livre un entretien très contrasté, entre l’enthousiasme des débuts, et la désillusion et la lassitude qui ont suivi.

Je vois passé ce tweet ce matin, où vous annoncez vouloir quitter Twitter, où vous êtes (étiez ?) pourtant très actif. Qu’est-ce qui vous a poussé à prendre cette décision ?
Le temps perdu. Tout ce temps perdu depuis dix ans déjà. La lassitude de scroller des heures et des heures pour ne rien trouver rien de bien à se mettre sous la langue, comme je le fais déjà sur les 240 chaînes de la télé (que j’allume une fois par semaine, je pense). Et puis la dégradation de l’ambiance sur Twitter. La désignation d’une cible à abattre chaque jour différente. La meute va lui passer dessus. Balancer des caps écrans. Hurler à la mort. Mettre en copie son employeur. Et passer à autre chose ou pas. La faute est gravée à vie dans Google. Importante ou pas, d’ailleurs. Et puis Instagram. Voir les photos des autres me rend malheureux. Poster mes propres photos me rend malheureux. Je n’en peux plus. Je sature du micro-partage qui ne produit plus rien. Je repars aux bases. Je reviens sur mon blog. Mon contenu, mes règles.

Quelles expériences marquantes avez-vous vécues sur les réseaux sociaux ?
Changer de vie pro radicalement : d’infirmier à consultant, en quelques années. J’ai bossé dans le journalisme, dans une grande major du disque, j’ai fait de l’antenne comme chroniqueur puis j’ai bossé pour une émission quotidienne derrière les caméras. Et enfin, trois ans au cœur d’un grand groupe du CAC : ma vie pro ces dix dernières années a été impactée par les réseaux sociaux. J’ai dépassé un plafond de verre. Mais, aussi, j’ai pu rencontrer mes idoles, me faire un réseau de malade, trouver des amis et surtout écrire des livres. Les réseaux sociaux ont été hallucinants pour moi. Inimaginable. Si on me disait en 2003 tout ce qui allait m’arriver via mon blog puis Twitter ou Facebook je ne le croirai pas.

Vous êtes écrivain, blogueur, et très actifs sur les réseaux sociaux. Comment abordez-vous ces 3 médias (livre, blog, RS) ?
Ils n’ont strictement rien à voir entre eux.

Le livre est un travail de longue haleine, seul dans mon coin, sur lequel je n’ai pas trop de retour avant celui de mon éditrice. J’en ai écrit sept. Je suis en train de finir le huitième en parallèle de l’écriture d’une série TV. C’est un « média de temps long » à très faible impact pour moi. Presque un sacerdoce. J’ai eu la chance d’écrire deux livres qui ont très bien marché et que mes trois premiers livres soient disponibles en poche. J’ai donc vécu quelques belles histoires en salon, dans les médias. Mais ma lune de miel avec le livre est terminée depuis longtemps. J’écris désormais pour moi.

Le blog est un « média de temps moyen » qui me procure du plaisir « sur la longue traîne » puisqu’il y a toujours un article qui finit par être commenté ou partagé des années après. J’y dépose régulièrement qui je suis, j’y donne des conseils de voyage, je suis toujours étonné par ma propre capacité à raconter des choses, quinze ans après son ouverture ! J’ai eu la chance de connaître les grands jours de l’influence et du blog entre 2004 et 2009 avec des invitations, des cadeaux, des rencontres. Un grand n’importe quoi sur le moment mais que de souvenirs ! Un monde à part dont je ne garde que les bons moments et les rencontres.

Enfin il y a les réseaux sociaux qui sont le « média du temps court » et de l’illusion. Un peu comme les médias participatifs qui ont fait croire à leurs lecteurs que tout le monde pouvait devenir journaliste il y a dix ans (scoop : non), les réseaux sociaux ont voulu faire croire aux gens que leur parole était écoutée et importante. En photo sur Insta ou par tweets, tout le monde s’est rué dessus en crachant sur l’ancien monde et tout le monde en revient désormais. Twitter n’est pas un lieu convivial même s’il reste incontournable pour tout savoir de tout. Facebook est mort. Il ne s’y passe plus rien. Et Instagram est un miroir aux alouettes hanté par les faux profils, les faux commentaires et les faux influenceurs. Du coup, je ne m’y retrouve plus non plus. J’y riais énormément. J’ai passé des moments géniaux sur Twitter. Mais au final : que de temps perdu! Que de conflits inutiles ! Que d’informations dont je n’avais cure.

Quels conseils donneriez-vous à une personne qui s’inscrirait aujourd’hui sur un réseau social ?
LinkedIn est utile pour sa carrière et YouTube est la plus grande bibliothèque au monde. Mais à part ça, un seul conseil : évite les réseaux et ouvre un livre. Si une info est vraiment pertinente ou vitale, elle va finir par t’atteindre. Le reste n’est que de l’écume. Je donne des cours de réseaux sociaux à des gens dont la fonction impose une présence et une réactivité en ligne. Ils ont une obligation d’en être. Pour tous les autres : fuyez les écrans. Personnellement, c’est une addiction que je déteste. WhatsApp me suffit largement pour rester en contact avec mes proches.

Quelles leçons à retenir de cette génération de réseaux sociaux ? Que garder ? Que jeter ?
1 – Ceux qui ont été early adopters sont souvent usés par dix ans en ligne. Ils n’en peuvent plus et en sont revenus même si beaucoup (y compris moi !) en vivent. Ils gardent en tête un âge d’or (réel) des premiers temps et une période bénie où on a bien rigolé et profité.

2 – Un réseau social chasse l’autre mais au final les manières de se comporter en ligne n’ont pas changées depuis les forums ou IRC.

3 – Quelle stupéfaction de voir les premiers cyber harceleurs tomber devant des juges. L’anonymat en ligne est un leurre mais enfin les horreurs balancées reviennent à la tête des trolls. Il était temps !

4 – Je n’aime pas trop tirer des bilans surtout dans le numérique car les retournements de situation sont spectaculaires. Une nouvelle feature peut changer la donne en quelques jours…Une nouvelle app. Mais, quand même, un peu comme avec les premières télé réalités, le meilleur est bien derrière nous. Quand je vois comment la Chine utilise les réseaux sociaux pour fliquer sa population…Je tremble devant les gigas de données que j’ai donné en ligne sans me soucier du lendemain. Ravi d’avoir « effacé » mes premières années sur Facebook il y a huit ans. Enfin, « effacées ». On se comprend, hein 😉

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