Entretien avec.. Hervé Resse

Les réseaux sociaux, tels qu’ils sont aujourd’hui, ne réalisent en rien la promesse d’Agora, de démocratie réelle, qu’imaginaient quelques utopistes en fin de siècle dernier. On s’en éloigne même à grands pas !

Concevoir un nouveau réseau social, ne peut se faire sans celles et ceux qui arpentent « nos » Facebook et Twitter actuels. Avec de l’expérience, du recul et une certaine forme de sagesse, leurs réponses éclairent notre chemin vers la construction d’un réseau à échelle humaine.

Très heureux d’accueillir Hervé Resse, pour notre premier entretien ! Blogueur, chroniqueur, coach, vous pouvez retrouver sa plume sur son blog professionnel Communiquer-Transmettre et sur cette très belle série d’articles 7×7.press.

Je confesse avoir été un fidèle lecteur de votre blog Resse Pire, où nous étions nombreux à profiter de votre (savoureuse) mauvaise humeur. A-t-il disparu ? Pourquoi ?
« Resse ? Pire encore ! » a été un des nombreux noms de mon blog, mais sans doute celui qui a duré le plus longtemps… Ca me fait plaisir que vous vous en souveniez ! Je n’ai jamais été une « star » des blogs, mais je sais que mon style plaisait à certains. C’est cool ! Mon blog a fonctionné de 2004 à 2014, à raison de deux posts par jour, bien souvent… Sans doute excessif. Et étant précisément d’une nature un brin excessive, j’ai tout détruit sur un coup de tête, à cause d’un détenteur de droits photos qui prétendait m’assigner au tribunal pour l’usage non autorisé d’un malheureux jpeg. Or il s’agissait d’une des plus grosses agences au monde, je me suis dit qu’à raison de deux articles quotidiens pendant dix ans, je risquais un peu gros… Du coup j’ai tout détruit. J’ai conservé une sauvegarde html5 dont je ne sais que faire. Parfois je me dis qu’il y aurait matière à retravailler certaines notes… Mais je ne sais pas comment me dépatouiller de tout l’environnement de codage… Bref, dix ans de parlotte et des centaines d’articles… Merci de vous en souvenir !

Comment votre passion pour les bons mots, Bruce Springsteen et Ségolène Royal, trouvent-t-ils une place sur les réseaux sociaux ?
Ah… Ségolène… Il n’est pas impossible qu’elle retente un tour de manège en 2022, histoire de décrocher enfin la queue du Mickey… Ne riez pas ! Elle pourrait y arriver. Plus généralement, il demeure possible de faire passer des enthousiasmes ou des colères sur Facebook le temps d’un post. Mais ça dure le temps des châteaux de sable avant la marée… J’en discutais, il y a guère plus d’une semaine, avec un de mes très chers amis rencontrés via le web. Les réseaux sociaux tuent cette qualité d’échange qu’on pouvait avoir sur les blogs, avant qu’ils soient phagocytés par les annonceurs, puis balayés par le bliztkrieg Facebook et Twitter. Cet ami est convaincu que je devrais rouvrir un blog. Je crois que ce serait comme balancer une bouteille à l’amer. Je ne suis pas certain d’avoir envie de replonger. Ça fait cinq ans que je procrastine autour d’un projet livre. Maintenant que je suis retraité, je pourrais enfin m’y plonger. En revanche, abandonner les réseaux sociaux me titille chaque jour un peu plus. Au moins un ou deux d’entre eux…

Comment développer une réflexion et une ligne éditoriale sur un support où règne l’info instantanée, vite-vue, vite oubliée ?
C’est bien le problème. La promesse des blogs visait à faire « naître des discussions ». On pouvait s’imaginer éditeur de ses propres émotions, points de vue, les partager avec une micro audience finalement plutôt bienveillante. Sur les réseaux, les contenus s’empilent et s’entassent, et s’étouffent les uns les autres. Un joli texte posté sur Facebook, quel que soit le sujet, Springsteen ou Royal, n’aura pas plus d’impact que la vidéo de chats du jour. Seuls les amis qui vous suivent y auront éventuellement accès. C’était mieux avant, ma bonne dame !!

Quels blogueurs / rédacteurs ont réussi, selon vous, leurs transitions blogs / réseaux sociaux ?
Mon admiration va d’abord, il le sait bien, à Vinvin, qui a su se réinventer plusieurs fois, écrire, monter sur scène. Il est mon héros 2.0 ! J’aime aussi Antoine Dubuquoy qui transmet sa passion du rock à travers des posts ; il garde un blog que je ne consulte plus trop ; mais il a aussi cette présence esthétique sur Instagram que je suis avec intérêt. Je suis plutôt admiratif de ceux qui ont su passer du blog à une vraie présence professionnelle dans la vraie vie numérique : Je pense à Damien Douani, Fanny Bouton, Fanny Berrebi… Je vois aussi des individus brillants qui ont su s’affirmer outre-Atlantique, je ne suis plus en contact avec eux, mais j’applaudis aux parcours de Charles Nouyrit, Damien Guinet. Pardon à tous ceux que j’aime bien qui ne me reviennent pas immédiatement à l’esprit. Finalement, ceux qui m’ont déçu sont bien moins nombreux. J’ai oublié jusqu’à leurs noms…

Quels conseils donneriez-vous à une personne qui s’inscrirait aujourd’hui sur un réseau social ?
Si c’est pour commencer à partir de rien, je recommanderais de fuir Facebook comme la peste, de ne pas se noyer dans Twitter, de prendre la mesure de l’absurdité qu’il y a à dépenser plus d’énergie à montrer sa vie sur Instagram, qu’à la vivre réellement. Et surtout à se défier au maximum de la dimension addictive des réseaux. C’est une drogue dure. Pire que la clope. Pire que le crack, auquel en revanche je n’ai jamais touché….

Quelles leçons à retenir de cette génération de réseaux sociaux ? Que garder ? Que jeter ?
J’ai 60 piges, ma fille en a 29, elle m’assure que « les jeunes » ont déjà une approche totalement différente du net, de ce qui a pu être la sienne. Alors moi… J’ai écrit un texte qui démonte quelques-unes des « dérives sur les réseaux sociaux », à partir de ce que nous disent les sciences de la communication et la psychosociologie. La profusion des contenus pose un problème de communication de façon totalement inédite. Il faudrait ne recevoir chaque info qu’après l’avoir dûment vérifiée, croisée, contrôlée. Personne ne peut faire ça. Les réseaux nous placent dans une position de présentification permanente. Du coup, le nombre de fakes que j’ai pu relayer en toute bonne foi simplement parce que l’info semblait « plausible », me fait honte. Une chose me parait claire : les réseaux sociaux, tels qu’ils sont aujourd’hui, ne réalisent en rien la promesse d’Agora, de démocratie réelle, qu’imaginaient quelques utopistes en fin de siècle dernier. On s’en éloigne même à grands pas !

Merci, Môssieur, d’avoir pris le temps de nous répondre.

2 réflexions au sujet de « Entretien avec.. Hervé Resse »

    1. C’était un plaisir.
      Il doit y avoir moyen de tirer quelques choses d’un fichier html5, tant que le texte intégral y est.
      Quant à votre livre, n’attendez plus 🙂

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